PEINTURE SUR TOILE - OEUVRE DE PAUL KALLOS 90/60 À BERGESSERIN

Oeuvre du peintre KALLOS 90/60 cm restaurée par une élève diplômée de l'école du Louvre;   Il est difficile d’exprimer en mots ce que l’on veut faire en peinture. La plus grande difficulté vient de la qualité intraduisible du sentiment qui part du visuel et qui s’explique par le visuel. Jamais on ne pourra décrire « le bleu » ou « le rouge », à plus forte raison quelque chose de plus complexe. On peut pourtant parler de certains aspects de la peinture, ainsi du style d’une époque. Il dérive de la volonté d’expression du monde. Monde, dans un sens très large; plutôt compréhension, explication de l’univers, et notre place par rapport à lui. Le langage de cette expression est l’espace pictural qui, malgré des différences et même d’apparentes contradictions, rapproche les peintres les plus divers d’une même époque, et surtout d’une même génération. L’analyse de cet aspect relève de la philosophie et de l’esthétique; écrivains et critiques seuls peuvent en parler, en raison de leur objectivité et de leur formation d’esprit. La seule chose dont un peintre puisse écrire, est sa manière de réaliser sa propre peinture. Comme on m’a demandé de parler de mon travail, j’essaierai de décrire ma propre méthode. Elle est avant tout consciente et réfléchie. Je cherche l’expression par des moyens uniquement plastiques, partant ou non d’une chose vue; le départ n’étant que prétexte pour un sentiment intérieur. Ma difficulté est celle qu’ont, je pense, tous les peintres. À un moment donné, le savoir conscient ne suffit plus. Je corrige et refais de nombreuses fois les études, dessins et gouaches, dont partent mes tableaux, pour recommencer très souvent d’autres modifications sur la toile même. Les fautes ou insuffisances peuvent se mesurer, mais le but de l’artiste est d’exprimer, de donner un contenu d’émotion à son tableau. Là intervient l’incalculable. Il y a des tableaux sans faute qui manquent de sentiment. À force de réflexion, on arrive a rendre une toile pleine, à l’équilibrer; on n’arrive pas toujours à la rendre vivante. On peut la travailler pendant des mois sans que l’éclat de la vie y soit présent, et tout d’un coup, en cinq minutes, on aura trouvé la solution. Une petite proportion à 7 modifier, une tache de couleur à éclaircir ou à assombrir. Ma démarche reste quand même volontairement consciente. J’utilise des matériaux classiques parce qu’ils ont l’avantage de la souplesse; ils obéissent entièrement à la volonté du peintre. Ceci est d’ailleurs assez mal vu actuellement par bien des gens, par les défenseurs du matiérisme. J’estime que beaucoup de peintres, dont plusieurs très doués, deviennent prisonniers de l’usage de certains matériaux qui ont déjà en eux (les matériaux) une beauté plastique, sinon une expression toute prête. Véritablement prisonniers, car même dans une composition très élémentaire l’emploi de moyens qui ont une richesse pour ainsi dire préfabriquée empêche le peintre d’y apporter la moindre modification (modification dans l’expression). Une touche de couleur ou une forme de détail est belle si et parce qu’elle est d’une absolue justesse. Il faut méditer, et souvent même lutter pour arriver à cette justesse. Des taches giclées ou jetées à la truelle ont par contre automatiquement une unité et une certaine harmonie. C’est cette trop facile unité non modifiable qui constitue la prison. Nous pouvons arriver par là à la beauté d’un marbre tacheté, à celle d’un pan de mur moisi, mais le drame humain en sera nécessairement absent, aussi bien